Vie privée et réseaux sociaux : quand Internet devient asocial

Article : Vie privée et réseaux sociaux : quand Internet devient asocial
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16 avril 2023

Vie privée et réseaux sociaux : quand Internet devient asocial

Les réseaux sociaux sont d’incroyables moyens de supprimer les barrières et de rapprocher les gens. Du moins, c’était le cas à l’origine… Parce qu’aujourd’hui c’est bien moins positif, ce à quoi on assiste sur le Net, c’est une véritable mascarade : fake, intimidations, addiction…

Les réseaux sociaux sont en train de se muer en une plaie ouverte infestée de vermine et qui bientôt sera purulente et impossible à soigner. En effet, il suffit de scroller quelques minutes sur les différentes plateformes pour se rendre compte qu’un monstre aux proportions effrayantes se profile à l’horizon. Les réseaux sociaux, qui étaient censés nous rapprocher, sont en train de nous éloigner, et ce, de la plus horrible des manières.

Les réseaux sociaux en Afrique, une ascension continue

Facebook, Instagram, Snapchat, TikTok, Twitter, WhatsApp, YouTube (pour ne citer que ceux-là) remportent un franc succès en Afrique, c’est indéniable. Les réseaux sociaux ont petit à petit gagné tout le continent, l’ONU le relatait déjà en 2010. Mais, c’est Facebook qui remporte aujourd’hui la palme avec plus de 206 millions d’utilisateurs actifs. La plateforme est devenue très populaire ici en raison de sa facilité d’utilisation, de sa compatibilité avec les téléphones mobiles, qui sont largement utilisés dans la région, et de sa capacité à connecter les gens de manière pratique et efficace. Elle est également très prisée des professionnels qui se lancent dans la vente en ligne, la « Facebook économie » remporte un franc succès, notamment en Afrique subsaharienne.

Réseaux sociaux – Crédit : Image par Gerd Altmann de Pixabay

Facebook au Sénégal, une époque formidable

Dans mon pays, au Sénégal, Facebook a été introduit en 2006. Cela, peu après son lancement initial en février de la même année. La plateforme est rapidement devenue populaire, en particulier chez les jeunes. Aujourd’hui, elle compte plus de 2,6 millions d’utilisateurs.

Personnellement, j’ai ouvert mon compte Facebook en 2009 (juste pour le fun !). L’expérience était agréable, d’autant plus qu’à l’époque, on retrouvait des visages perdus de vue depuis des années. C’était donc une occasion de retrouver des amis d’enfance, d’anciens camarades de classe et autres connaissances. L’ambiance était cordiale et bon enfant. Il y avait de la drague dans les messages privés, mais rien d’effrayant. De plus, on était loin de l’époque des filtres et des retouches photo à outrance. On ressemblait encore assez à nos photos de profil ! Et franchement, il n’y avait pas de prise de tête pour se prendre en photo. En fin de compte, c’était l’époque de l’insouciance.

Facebook – Crédit : Image par Simon de Pixabay

Comment les réseaux sociaux se sont greffés à la vie quotidienne en prenant autant de place ?

Je serais incapable de vous dire à quel moment Facebook s’est métamorphosé. J’ai quitté la plateforme, sans regret, au bout de neuf ans. Avec leur pouvoir addictif, je constatais déjà la perte de temps énorme que causaient les réseaux sociaux. J’ai donc décidé de me sevrer bien avant la dépendance ! Je me souviens que j’avais eu une révélation une nuit où j’étais censée rester 30 minutes sur mon téléphone… et j’y étais encore trois heures plus tard, alors que je devais travailler le lendemain ! Aujourd’hui, force est de constater que Facebook est l’un des réseaux sociaux les plus populaires au Sénégal. Il rivalise avec les autres qui sont également très populaires. C’est notamment de cas d’Instagram et de TikTok, le dernier-né des réseaux sociaux et qui n’a pas encore dit son dernier mot.

Les réseaux sociaux sont devenus un nouveau mode de vie. On interagit par écran interposé et on vit sa vie par le biais de son smartphone. Un phénomène qui se répand et qui paradoxalement va à l’encontre de ce qu’étaient censés nous apporter les réseaux sociaux au départ. Tout se fait par message écrit, audio ou vidéo. Lorsque l’on se penche sur les comportements des utilisateurs des réseaux, on se demande à quel moment la rupture a été consommée. Il est clair que l’on s’est rapidement éloigné de la bienveillance et du partage que promettaient Facebook et ses acolytes au départ. On a sombré dans l’addictif, le nuisible et le répréhensible en moins de temps qu’il n’en faut pour s’en rendre compte. Les réseaux sociaux nous ont rendus pour la plupart asociaux !

Jeunes filles avec leur smartphone. Crédit image : Saitarg via Iwaria

Vie privée et réseaux sociaux : vers un naufrage certain

Comment une plateforme qui au départ était censée rapproche les gens a fini par nous éloigner les uns des autres ? Ma réponse pourrait vous influencer. Mais, je vous mets au défi de répondre ! Attardez-vous 15 minutes sur n’importe lequel des réseaux sociaux, faites défiler le fil d’actualité et posez-vous la question : « De qui me suis-je réellement rapproché ? », « Qu’ai-je appris de positif et de fiable ? », « Est-ce que ces 15 minutes m’ont été utiles ? ». À toutes ces questions, je parie que la réponse sera affligeante. Ce que l’on constate aujourd’hui c’est que les réseaux sociaux sont devenus le déversoir de toutes nos turpitudes. Tout ce que l’on ne s’autorise pas à dire ou à faire dans la « vie réelle » trouve son public sur ces plateformes, et les gens s’en délectent !

Le contenu de ce qui est partagé est consternant. L’expression « vie privée » a perdu tout son sens aujourd’hui. Les personnes sont dans l’incapacité de faire la part des choses entre ce qui doit être partagé, ce qui doit être protégé et ce qui n’a aucun intérêt à être révélé. La faute à cette fausse image de communauté bienveillante. Une communauté qui vous porte aux nues et qui vous fait pousser des ailes avec ses coeurs, ses like et ses commentaires, mais qui n’hésite pas à vous clouer au pilori au moindre faux pas.

Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, l’intimité de chacun est donnée à la vue de tous. Les conflits naissent dans l’intimité et se règlent dans les lives ! Les règlements de compte, les diffamations et les calomnies sont monnaie courante. Les gens se permettent de juger les autres et de parler de leur vie, sans même les connaître ! En prenant la parole sur les réseaux sociaux, les gens recherchent l’approbation de la communauté, du coup tout le monde devient un expert en quelque chose ! Chacun prodigue ses conseils et il y en a pour tous les goûts : conseils en relations amoureuses, conseils santé, conseils en recettes de cuisine… bref, des apothicaires suspects qui font de la psychologie de comptoir.

Vue de ce qui se passe sur la toile, la société est très nettement en train de changer, et pas forcément pour le meilleur ! La mauvaise utilisation des réseaux sociaux à laquelle nous assistons nous enfonce et nous conduit vers de nouveaux tourments. Sans compter que le laisser-aller ambiant ne fera qu’accélérer et aggraver les choses…

Crédit : Image par Wilson Joseph de Pixabay

Les dérives des réseaux sociaux 

Quand vous faites le tour des réseaux sociaux, ce que vous découvrez, c’est la face cachée de notre société. Ce qu’elle a de plus laid et de plus malsain apparaît. Lorsque nous sommes cachés derrière nos claviers de smatphones et d’ordinateurs, tout ce que nous pouvons produire de mal ressort. Comment expliquer que la plus insignifiante des personnes dans la vie réelle puisse devenir un monstre d’une cruauté sans nom une fois connectée ? Pourquoi les réseaux sociaux font naître en nous un sentiment de pouvoir sans limite ? Quel mal-être, quelle douleur, peut pousser à vouloir nuire à son prochain ? Surtout lorsque cette personne est pour nous un parfait inconnu ! Il faut croire que cela apporte une satisfaction intérieure… sinon pourquoi ?

Les réseaux sociaux, parce qu’ils sont très mal utilisés, font plus de mal que de bien.
Et si l’on parlait de tous les maux qu’ils ont créés ou qu’ils ont contribué à exacerber ?

Crédit photo Iwaria

La désinformation

Les réseaux sociaux facilitent la diffusion de fausses informations. Cela a des conséquences dramatiques : Les gens commencent à douter de l’information fiable et font confiance aux sources non fiables ! On peut par exemple évoquer la dernière fake news en date : celle concernant le divorce du footballeur Achraf Hakimi qui aurait mis tous ses biens au nom de sa mère !

La désinformation, en créant un sentiment d’injustice et de mécontentement, peut aussi contribuer à la radicalisation des individus. À moyen et long termes, les conséquences des fausses informations peuvent être graves : Les groupes extrémistes en profitent pour propager leur idéologie en recrutant de nouveaux membres. La désinformation peut aussi être utilisée pour manipuler l’opinion publique et influencer les élections et les décisions politiques. Enfin, elle contribue à diffuser la haine et la discrimination.

La cyberintimidation

Les réseaux sociaux sont utilisés pour intimider, harceler ou menacer les gens en ligne. La cyberintimidation peut avoir des effets dévastateurs sur la santé mentale et émotionnelle des victimes. (Dépression, perte de confiance en soi, anxiété, isolement social, pensées suicidaires…)

La dépendance

Les réseaux sociaux peuvent être extrêmement addictifs, en particulier pour les jeunes utilisateurs. Or, une utilisation excessive des réseaux sociaux peut entraîner une dépendance, accompagnée de troubles du sommeil et une réduction du temps consacré à des activités plus productives. Les jeunes ne sont pas les seules victimes d’ailleurs.

Crédit image : Oladimeji Ajegbile via Pexels

Les adultes ont aussi énormément de mal à se séparer de leur smartphone et à se déconnecter. Cela a une incidence sur les interactions sociales, jusque dans les familles. Aujourd’hui, on préfère manipuler son téléphone, envoyer des messages et publier des snaps plutôt que d’avoir une discussion enrichissante avec un proche en face-à-face.

La violation de la vie privée

Les réseaux sociaux collectent souvent des données sur les utilisateurs, qui peuvent être vendues à des tiers ou utilisées à des fins publicitaires. Cela peut violer la vie privée des utilisateurs et compromettre leur sécurité en ligne.

Quel avenir pour la jeunesse africaine via ses réseaux sociaux ?

Les réseaux sociaux ont encore de beaux jours devant eux en Afrique. Si on ne change pas d’attitude et si on ne modifie pas nos interactions sur ces plateformes, c’est tout un pan de notre culture qui sera bientôt réduite à néant. Il est indéniable qu’en Afrique, et particulièrement au Sénégal, les valeurs qui nous ont été inculquées ne sont pas toutes compatibles avec notre rapport aux réseaux sociaux. Au Sénégal, l’éducation et les parcours enrichissants étaient toujours mis en avant, on était loin du culte de la médiocrité actuelle.

Ce qui est désolant, c’est que les réseaux sociaux pourraient être des outils positifs incroyables si on en faisait un moyen de communication et de partage. Mais au lieu de cela, on assiste à une grand-place ou un arbre à palabres où ne sont débattus que des sujets vides et sans-intérêt.

C’est à la jeunesse de prendre conscience de l’aspect négatif des réseaux sociaux actuels. N’en déplaise à certains, faire des réseaux sociaux un tribunal où l’on juge, médit, ment et condamne n’appelle rien de bon pour le futur. Faut-il rappeler que notre liberté s’arrête là où commence celle des autres ? Il est grand temps que l’on questionne nos attitudes et que l’on se tourne à nouveau vers l’utile et l’agréable.

Personnellement, je ressens un profond malaise lorsque je passe trop de temps sur les réseaux. Je constate à quel point plus personne n’est authentique. Ces plateformes ont réussi l’exploit de nous priver de nos particularités et de faire de nous des clones. Il suffit qu’une personne fasse une chose et que cela lui donne plus de visibilité et pour que le reste du monde suive la « trend ». Bon ou mauvais ? Peu importe. L’essentiel est de se faire connaître et de gagner des likes, des abonnés et de devenir populaire ! Grand bien vous fasse.

Crédit : Image par Gordon Johnson de Pixabay
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